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  • Les Pénalistes

Le lambeau ou comment réapprendre à vivre ? (Série consacrée à "Charlie") {3/3}


Crédits : Couverture Le Lambeau de Philippe Lançon, Coll. Blanche, Gallimard.


« C’est l’histoire d’un homme qui a été victime d’un attentat, qui a passé neuf mois à l’hôpital, et qui raconte le plus précisément, et j’espère le plus légèrement possible, comment cet attentat et ce séjour ont modifié sa vie et la vie des autres autour de lui, ses sentiments, ses sensations, sa mémoire, son corps et sa perception du corps, son rapport à la musique, à la peinture, sa manière de respirer et d’écrire. »[1] C’est ainsi que Philippe Lançon, critique littéraire, journaliste chez Libération et chroniqueur hebdomadaire chez Charlie Hebdo, décrit son récit le Lambeau. Pour le lecteur, c’est l’histoire d’une reconstruction ; Comment un homme, qui a vu la mort crachée par des Kalachnikov, revient-il dans le monde des vivants ?


"Les morts se tenaient presque par la main."


Le récit débute le 6 janvier 2015 et permet d’appréhender l’état d’esprit dans lequel était Philippe Lançon avant de basculer dans l’horreur. « Une soirée suspendue entre deux mondes. Le lendemain, la chute a été vertigineuse. » décrit Nina qui était avec l’auteur la veille de l’attentat dans les locaux de Charlie. Bien que la fusillade rue Nicolas-Appert ne constitue pas la majeure partie du récit, il s’agit d’un temps fort du Lambeau, presque insoutenable quand Philippe Lançon décrit la salle de rédaction où « les morts se tenaient presque par la main. ». Puis vient « l’après » : sa longue hospitalisation, sa rééducation, une relation particulière avec sa chirurgienne Chloé, mais également le sentiment que ce mal constitué par le terrorisme recommence.


"Hélas ! Quand je vous parle de moi, je parle de vous."


Philippe Lançon nous raconte certes la manière dont il a vécu l’attentat contre Charlie, mais il nous livre surtout une œuvre puissante et essentielle pour chacun. Si la littérature est un mode d’emploi pour vivre[2], le Lambeau en est un très bon exemple ; au-delà de l’application au contexte des attentats, il faut y voir un livre sur la façon de rebondir face à des situations dramatiques de la vie. « Hélas ! Quand je vous parle de moi, je parle de vous »[3]. Voilà ce qu’a réussi à faire Philippe Lançon : donner une dimension universelle à une expérience personnelle. Ainsi s’il fallait donner un second titre au Lambeau, à la façon de La vie mode d’emploi de Perec, il semblerait judicieux de l’appeler : Comment réapprendre à vivre ? En effet, tout au long du récit, Philippe Lançon, qui a frôlé le royaume des morts, revient peu à peu dans celui des vivants.


"On écrit avant tout pour les vivants, mais en pensant aux morts"


Lauréat du Prix Fémina, mais également du Prix spécial du Jury Renaudot, décerné en raison du caractère exceptionnel du récit, le Lambeau a cependant été écarté du Prix Goncourt en ce qu’il ne constitue pas un ouvrage de fiction. Philippe Lançon, à l’occasion de la remise du Prix Femina, expliquait penser à son père, décédé, car « on écrit avant tout pour les vivants, mais en pensant aux morts. » En ce 9 janvier 2021, où je rédige ces quelques lignes sur le récit de Philippe Lançon, je le fais pour les vivants, mais en pensant à Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous, Wolinski, Clarissa Jean-Philippe, Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab, et François-Michel Saada.


Par Edouard B.

[1] Entretien de Philippe Lançon pour Gallimard à l’occasion de la parution du Lambeau, avril 2018. [2] La vie mode d’emploi, Georges Perec, Ed. Hachette, 1978. [3] Les Contemplations, Victor Hugo, Ed. Hachette, 1856.



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